Naufrage
en méditerranée : l'appel du pape à la
communauté internationale
Le pape a évoqué ce dimanche 19
avril, devant la foule réunie place Saint-Pierre pour
le Regina Caeli, le naufrage de migrants survenu la veille
au large des côtes libyennes, qui fait craindre 700
morts.
« Je lance un vibrant appel à
la communauté internationale, pour quelle agisse
avec décision et diligence, afin que de telles tragédies
ne puissent plus se reproduire », a notamment déclaré
le pape (en italien), soulignant qu'ils étaient «
des hommes et des femmes comme nous. Des frères, qui
cherchaient une vie meilleure... Affamés, persécutés,
blessés, exploités, victimes de guerres. Ils
cherchaient une vie meilleure, ils cherchaient le bonheur
».
La veille, alors qu'il recevait le président
italien Sergio Mattarella en visite dEtat, le pape avait
remercié lItalie pour son implication concernant
laccueil des migrants. Il avait appelé à
un « plus grand engagement au niveau européen
et international sur ces questions ».
Une plus grande implication
« Il est évident que l'ampleur
de ce phénomène requiert une plus grande implication.
Nous ne devons pas nous lasser dans nos tentatives de solliciter
une réponse plus globale au niveau européen
et international », avait-il martelé (en italien).
Daprès le Haut-Commissariat des Nations unies
pour les réfugiés (HCR), ces dernières
années, la Méditerranée s'est révélée
comme étant la plus périlleuse des routes maritimes
du monde parcourues par les réfugiés et les
migrants. En 2014, quelque 219.000 réfugiés
et migrants ont traversé la Méditerranée
et au moins 3.500 d'entre eux ont perdu la vie.
Vendredi 17 avril, le cardinal Antonio Maria
Veglio, président du Conseil pontifical pour la pastorale
des migrants et des personnes en déplacement, avait,
de son côté, fustigé lattitude passive
de lEurope face à la persécution des chrétiens.
Dans une interview (en italien) au Vatican Insider, le site
vaticaniste du quotidien La Stampa, Mgr Veglio a condamné
en particulier la rixe survenue deux jours plus tôt
à bord dune embarcation de migrants en Méditerranée
au cours de laquelle des musulmans auraient jetés à
la mer une douzaine de chrétiens.
Drame insupportable
« Il sagit dun acte à
condamner de façon absolue, a soutenu le cardinal italien.
Nous ne devons pas oublier la persécution contre les
chrétiens », a-t-il plus largement affirmé,
invitant cependant à faire le tri entre « les
groupes fanatiques » et le reste des fidèles
de lislam.
Le même jour, interpellé par Radio
Vatican, Mgr Nunzio Galantino, secrétaire général
de la Conférence épiscopale italienne, a également
dénoncé lattitude de lUnion européenne
qui donne limpression, à ses yeux, « de
se laver les mains face à un drame qui deviendra toujours
plus insupportable en Italie ».
www.lavie.fr/religion/catholicisme/naufrage-en-mediterranee-l...
Réfugiés
en Occitanie : entre « Paratge e convivéncia
» et catastrophe ?
Sur un sujet aussi dramatique que celui de ces
migrations de la misère et de la peur, et parce que
lon peut lire ou entendre ici ou là des informations
multiples et parfois pathétiques, je me contenterai
de faire court, tout en replaçant notre région
dans la problématique générale qui, face
à cette situation dramatique, devrait éviter
les égoïsmes territoriaux ou sociaux. La question
de laccélération extraordinaire des flux
des migrations vers lEurope nest que la face visible
dune question géopolitique quil faudra
régler aussi, et peut-être surtout à la
source. Il est grand temps que les responsables politiques
et les divers lobbies cessent de procrastiner.
La France est-elle encore le pays des droits
de lhomme ? Que fait lEurope en ce domaine dont
personne ne doute plus aujourdhui que les droits élémentaires
sont cruellement bafoués dans de nombreux lieux du
monde, dont certains sont à portée de bateaux
et de quelques kilomètres de marche ? On a brillamment
et justement fêté en 1989 la chute du mur de
Berlin, qui a en effet changé la face de lEurope.
Cependant, à Ceuta, Melilla, en Hongrie, en Roumanie
et peut-être bientôt en Europe occidentale, les
nouveaux obstacles à la circulation des hommes se multiplient,
se modernisent et se durcissent au point de sapparenter
à une chasse à lhomme
Certes, dès le 3 décembre 1989,
dans lémission 7 sur 7 de TF1 animée par
Anne Sinclair qui bat les records daudience, Michel
Rocard déclare : « Nous ne pouvons pas héberger
toute la misère du monde. La France doit rester ce
quelle est, une terre dasile politique [
]
mais pas plus. » Cette formule complète utilement
celle qui, tronquée, ne retient que la première
partie. Ceci dit, elle nouvre pas toutes grandes les
portes de lHexagone à tous. Mais la situation
était différente, et les conflits moins proches.
Aujourdhui, lurgence humanitaire est non seulement
aux portes de lEurope, mais aussi dans certains pays
comme la Turquie, lItalie, la Grèce, la France,
le Royaume-Uni et lAllemagne. Les points dentrée
maritime principaux sont à Lampedusa, Ceuta, Lesbos.
Au sol, on arrive par la Turquie et on se heurte vite à
la Roumanie et la Hongrie. Tous ces flux convergent vers lEurope
de lOuest Allemagne, Royaume-Uni et France. Toute
lEurope est concernée. La résonance de
ce phénomène est mondiale, et pourtant le monde
sen préoccupe peu, arguant du fait que nous avons
connu pire dans le passé. Récemment, un porte-parole
de la diplomatie américaine déclare que la «
première priorité est de protéger la
sécurité nationale des États-Unis et
de leurs ressortissants ». Égoïsme yankee
pas mort.
Derrière cette formule se cache la peur
des populations des pays libres de voir la possibilité
pour un terrorisme sanguinaire de se glisser dans le flot
des migrants
Le repli sur soi, sur des identités
fermées qui servent de prétexte à ces
ostracismes, se généralise avec peut-être
quelques raisons.
Or, le flot de ces personnes chassées
soit par la misère, soit par la guerre augmente tous
les jours. 365 000 arrivées en Europe, et 2 800 morts
La Jordanie et le Liban ne peuvent plus en accueillir. Les
pays du Golfe et lIran nen veulent pas. Le gradient
de la proximité et de la démocratie joue à
plein en direction de lEurope. Pourtant, il a fallu
cette photographie atroce dun enfant mort noyé
pour que sémeuvent vraiment les dirigeants. Combien
dautres enfants sont-ils morts, combien de femmes violées,
combien dhommes torturés puis tués ? La
presse a montré là une force de communication
considérable qui devrait nous interpeller. Merkel et
Hollande essaient de faire progresser la mise en place des
quotas pour les États de lUnion européenne.
Beaucoup des pays de lex-Europe de lEst récemment
intégrés sont plus que réticents. Certains
proposent même de mettre en place des itinéraires
sanitaires, qui permettraient à ces migrants de gagner
ceux des pays européens qui les acceptent ou les accepteront.
Venons-en à notre région et notre
ville. Montpellier a annoncé quelle en accueillera
90. Un sondage récent montre que nous sommes moins
prêts que dautres régions à cet
accueil (48 % en France, environ 30 % ici). Pourtant, notre
région porte avec dautres les valeurs de lOccitanie,
paratge e convivéncia. De plus, et sans remonter trop
loin dans lhistoire, nous avons accueilli à partir
de 1936 les Espagnols et Catalans de la Reconquista, et, en
1962, surtout la masse des pieds-noirs débarqués
non seulement à Marseille mais aussi à Port-Vendres.
Notons dailleurs que, dans un cas comme dans lautre,
ces immigrations ont été à terme de puissants
facteurs de développement
a question posée aujourdhui est
à détente multiple. Dabord, il y a lurgence
à accueillir réfugiés et migrants. Il
est difficile de distinguer. Très vite se posera la
question de savoir quelle place ils peuvent prendre dans la
société qui les accueille, et la place que les
opinions publiques sont prêtes à leur laisser.
À terme, et il nest pas interdit dy penser,
ceux qui le voudront pourront rejoindre leur pays dorigine.
En 1995, dans un ouvrage intitulé Europe, Europes.
Espaces en recomposition (Vuibert, Paris), nous écrivions
: « Si lEurope veut continuer à servir
de modèle dorganisation politique, elle devra
dépasser la simple régulation mentale et au
contraire renforcer ladhésion de ses populations
à un ensemble de valeurs communes et universelles.
»
Pour ce qui concerne lOccitanie, « paratge »
désigne légalité entre tous, «
convivéncia » dit lart de vivre ensemble
dans le respect des différences. Nous ny sommes
toujours pas, et nous en sommes loin, très loin.
Georges
Roques
http://www.lagglorieuse.info/article_r-fugi-s-en-occitanie-entre-paratge-e-conviv-ncia-et-catastrophe.html
/
Crise
des migrants: toutes ces questions que vous vous posez peut-être
(sans oser les demander)
IMMIGRATION - Syriens, Irakiens, Afghans, Lybiens,
Erythréens... Ils sont des dizaines, des centaines
de milliers, voire des millions à quitter leur pays,
chassés par la guerre et la misère. La plupart
trouve refuge dans les pays voisins, les plus aventureux tentent
leur chance en Europe.
Un phénomène d'une telle complexité
est difficile à appréhender, même pour
les gouvernements européens. Autant dire que Monsieur-Tout-le-Monde
a peu de chance de s'y retrouver. À côté
des questions de fond, sur l'origine de ces vagues de réfugiés,
sur la guerre en Syrie, certaines questions plus triviales
ne trouvent pas toujours réponses.
S'ils
ont tous des smartphones, sont-ils si pauvres?
Beaucoup de réfugiés n'auraient
pas l'air "complètement pauvres", comme semble
le regretter une militante du parti d'extrême-droite
Britain First à Calais. En plus d'être correctement
vêtus, ils sont nombreux à posséder un
smartphone.
En fait de paradoxe, cette constatation est
cohérente avec la réalité. "Les
migrations son très rarement entreprises par les plus
pauvres. Ce ne sont pas des paysans déracinés
qui errent, avertit Patick Simon, directeur de recherche à
l'Ined. En Syrie, en Irak, ce sont ceux qui ont le plus de
ressources, des ingénieurs, des enseignants, des techniciens...
En tous cas, des gens qui ont des raisons de croire qu'ils
pourront faire mieux ailleurs."
Quant à s'étonner de les voir
avec des téléphones portables, c'est bien mal
connaître les pays pauvres. Afghanistan, Syrie, Soudan...
Le taux d'équipements a explosé ces dernières
années, au point de rattraper celui des Français
en Irak. La raison est simple. Dans ces pays, le téléphone
portable représente le moyen le plus économique
d'accéder à internet. Les infrastructures pour
un réseau terrestre haut débit sont encore hors
de portée.
Abonnements
mobile pour 100 habitants (France, Irak, Nigeria, Soudan,
Afghanistan, Syrie)
Pourquoi
ne prennent-ils pas simplement l'avion ?
Après tout, ils pourraient aussi bien
passer la douane avec un visa touristique et ne jamais rentrer...
C'est vrai, d'autant que cela coûterait moins cher qu'un
passeur (1000 à 1500 euros).
Mais qui dit réfugié, dit aussi
pays en guerre. "La situation consulaire en Syrie est
telle qu'obtenir un visa est impensable, résume Patick
Simon, de l'Ined. Et de toute façon ils fuient la guerre
et les exactions, un visa de tourisme n'aurait pas de sens."
L'Europe
accueille-t-elle tant de migrants que ça ?
Entre 2012 et 2014, le nombre de demandes d'asile
formulées en Europe a augmenté de 316.000 à
388.000 (+ 22,7%). L'effort des principales terres d'accueil
(Allemagne, Suède, France, Suisse, Grande-Bretagne,
Italie et Belgique) est encore plus important, passant de
37.755 à 80.895 (+114%).
En revanche, tous les pays n'y ont pas contribué
de la même manière. La France a dit non à
80% de ses 17.000 demandes d'asile, alors que la Suède
les a acceptées dans une proportion inverse. L'Allemagne
a accueilli près de 24.000 réfugiés à
elle seule.
Si certains s'émeuvent de cet effort,
et craignent un raz-de-marée, ce n'est en fait qu'une
toute petite partie du total. Les pays limitrophes de la Syrie
(Liban, Turquie, Jordanie, Egypte, Irak) "accueillent
à eux seuls 3,8 millions de réfugiés
de Syrie", notait en juillet Amnesty International.
Pourquoi
veulent-ils tous aller en Angleterre ?
En réalité, ils ne veulent pas
tant rejoindre l'Angleterre que quitter la France. D'ailleurs,
l'Allemagne et la Suède accueillent encore plus de
réfugiés. A l'exception de Calais, la France
est pour l'instant épargnée par la crise des
réfugiés.
Plusieurs facteurs liés au marché
du travail dissuadent les réfugiés de rester
dans l'Hexagone, à commencer par son taux de chômage.
Il est presque deux fois plus élevé qu'en Allemagne
et au Royaume-Uni.
Le poids important de la fonction publique (5,6
millions de personnes) est un autre obstacle, dans la mesure
où les recrutements sont souvent liés à
l'obtention d'un concours ou à la détention
d'un diplôme précis. Enfin, le montant du smic
joue en défaveur des petits boulots, certes mal payés,
mais accessibles aux moins qualifiés.
En plus de la langue anglaise, l'accès
au marché de l'emploi britannique est beaucoup plus
libéral. "C'est aussi lié aux réseaux
de migration antérieures, comme les Iraniens et les
Afghans en Allemagne", conclut Patrick Simon, de l'Ined.
Des immigrés clandestins manifestent
contre le gouvernement britannique à Calais, le 20
août.
crise migrant
Pourquoi
cette affluence si soudaine?
Le nombre de réfugiés en provenance
du Moyen-Orient est effectivement en hausse. C'est lié
à l'enlisement du conflit syrien. "Il y a toujours
un délai entre le début d'un conflit et la prise
de conscience qui mène à quitter son pays. Aujourd'hui,
on assiste à une forme d'exode venant d'une Syrie dévastée
par la guerre", précise au HuffPost Patrick Simon.
Ensuite, les passeurs profitent des conditions météo
favorables de l'été, surtout pour la navigation,
pour accentuer leur trafic.
En revanche, François Gemenne met en
garde contre un "effet loupe". "Cet afflux,
sans le nier, est quelque part une illusion. On se concentre
ponctuellement sur des situations précises, extrêmement
dramatiques à certains endroits", qui selon lui
"faussent le jugement". "Si on a cette impression
de masse, c'est surtout parce que l'Union européenne
s'est mise sous la coupe des passeurs puisque ce sont eux
qui déterminent quand, combien et comment les gens
arrivent".
D'où
viennent tous ces passeurs ?
Souvent des mafieux et des trafiquants, même
si tous les cas de figures ou presque sont envisageables.
"Il n'y a pas de profil-type", insiste François
Gémenne, chercheur spécialiste des migrations,
pour Europe 1.
Ce sont parfois des migrants eux-mêmes,
le temps d'accumuler un pécule pour se payer à
leur tour une traversée, à moins qu'ils ne soient
promus capitaines de navire le temps d'une traversée
grâce à quelques notions de navigation.
Mais la majorité du temps, ce sont bien
des organisations criminelles qui prospèrent sur leur
dos. "Bientôt les Balkans vont ressembler à
l'Amérique centrale, avec tous ces cartels et leur
cortège de rançonnages et d'exécutions
de migrants, avertit Patrick Simon, de l'Ined. De petites
mafias locales vont prospérer tant qu'il y aura des
gens prêts à payer 1000 ou 2000 euros pour faire
50 kilomètres dans le coffre d'une voiture ou dans
un camion."
Depuis mars, les autorités européennes
ont identifié un groupe international de "30.000
suspects" dans toute l'Europe, parmi lesquels 3000 opèrent
en Méditerranée.
Le
HuffPost | Par Jean-Baptiste
Duval
Décoder
le discours sur les réfugiés syriens
Dans un article intitulé « Le mur
meurtrier de la méditerranée : lassassinat
institutionnel de masse de lUnion Européenne
», publié sur ce site le 21 mars dernier, nous
mettions en évidence la responsabilité de lUE
dans les milliers de morts chaque année en méditerranée
dans des tentatives désespérées de fuir
la misère et la guerre.
Depuis la publication, le 2 septembre, par la
presse turque et britannique de la photo dun enfant
de 3 ans mort sur une plage de Bodrum au sud de la Turquie,
une vaste campagne médiatique présente une autre
image de lUnion Européenne en général
et de la France en particulier.
Nous nous serions donc trompés ou un
changement radical dattitude et de politique serait
survenu. A moins que nous ne soyons une nouvelle fois devant
linstrumentalisation politique dun drame humain
pour justifier une nouvelle intervention militaire. Les diverses
réactions politiques et médiatiques à
larrivée de ces réfugiés sont par
ailleurs un excellent analyseur politique de notre société,
de ses politiques et de ses médias.
Une « cécité » volontaire
A écouter nos politiques et nos médias,
la découverte du corps du petit Aylan aurait mis en
évidence lampleur du drame vécu par le
peuple syrien. Ainsi donc ni les médias et leurs multiples
spécialistes et experts, ni les gouvernements européens
et leurs services de renseignements navaient auparavant
mesurés lampleur du drame.
Aucun ne pouvait imaginer que des enfants étaient
victimes des guerres qui déchirent lIrak et la
Syrie. Cet aveu implicite dune cécité
politique et médiatique ne tient pas. Si cécité
il y a, elle est volontaire comme en témoigne les sonnettes
dalarme qui ont été soigneusement tues
par lessentiel des grands médias et la majorité
de la classe politique.
Ainsi par exemple le Haut-Commissariat aux réfugiés
(HCR) de lONU souligne dans son communiqué de
presse du 9 juillet 2015 que nous sommes en présence
de « la plus importante population de réfugiés
générée par un seul conflit en une génération.
Cette population a besoin dun soutien de la part du
reste du monde mais, au lieu de cela, elle vit dans des conditions
désastreuses et senfonce dans la pauvreté.
» [1]
Le même communiqué avance les chiffres
suivants : 4 013 000 réfugiés dans les pays
voisins de la Syrie (1 805 255 réfugiés syriens
en Turquie, 249 726 en Iraq, 629 128 en Jordanie, 132 375
en Égypte, 1 172 753 au Liban et 24 055 en Afrique
du Nord) et au moins 7,6 millions de personnes déplacées
à lintérieur de la Syrie. Enfin le communiqué
du HCR rappelle le caractère prévisible de laugmentation
du nombre de réfugiés syriens après cinq
ans de guerre totale : « Le cap des quatre millions
survient à peine 10 mois après que celui des
trois millions ait été atteint. Au rythme actuel,
le HCR prévoit que le chiffre denviron 4,27 millions
pourrait être atteint dici la fin 2015. »
[2]
Dautres données du HCR mettent
en exergue la hausse exponentielle du nombre de réfugiés
: 92814 en juillet 2012, 1 512 160 en juillet 2013, 2 835
736 en juillet 2014, 4 094 091 en juillet 2015. [3]
Tout le monde savait. Journalistes comme leaders politiques
étaient au courant. Les classes dominantes dEurope
et des États-Unis espéraient simplement une
nouvelle fois cantonner les réfugiés dans les
pays voisins. Cest dailleurs ce quils font
classiquement pour tous les autres conflits quils suscitent
pour le contrôle du gaz, du pétrole et des minerais
stratégiques.
Ainsi en 2000, les seize millions de réfugiés
reconnus par le HCR se répartissent comme suit : «
Sur les 16 millions de réfugiés, 3,6 millions
se trouvaient en Afrique, 9,1 en Asie, 2,3 en Europe et 0,6
en Amérique du Nord, et le reste en Amérique
Latine et en Australie. » [4] Terminons avec les données
quantitatives en donnant un dernier chiffre du HCR pour lannée
2013 : les pays industrialisés naccueillent que
14 % de lensemble des réfugiés [5]
.
Il sagit clairement de cantonner la misère du
monde produite par les politiques économiques des grandes
puissances impérialistes dune part et par les
guerres pour le contrôle des matières premières
dautre part, à la périphérie des
pays riches. Nous sommes en présence dune des
multiples déclinaisons de lultralibéralisme
: privatiser les gains et socialiser les pertes et/ou les
coûts.
Les hypocrites reconvertis
Nous avons assisté dans la semaine qui
a suivi la diffusion de la photo du cadavre du petit Aylan
à de subites reconversions à lhumanisme.
Ainsi par exemple le député de droite des Alpes
Maritimes Eric Ciotti écrit sur son compte Twitter
dès le 3 septembre : « Image dhorreur insoutenable
que celle dune enfance sacrifiée. Indignation
et écurement face à linaction intolérable
de la communauté internationale ». Le même
estimait il y a à peine un mois, le 10 août,
que « lUnion européenne doit engager sans
plus attendre des opérations militaires visant à
détruire les filières de passeurs à la
source et créer des centres de rétention pour
migrants dans les pays dentrée en Europe [6]
».
Au PS la reconversion est tout aussi radicale.
François Hollande annonçait lors du sommet européen
extraordinaire sur le drame des migrants en Méditerranée,
le 23 avril dernier, son intention de proposer une résolution
à lONU pour détruire les bateaux des trafiquants.
On se demande au passage comment les soldats chargés
de cette tâche reconnaîtront les bateaux concernés.
Il considère maintenant que laccueil des réfugiés
syriens « Cest le devoir de la France, où
le droit dasile fait partie intégrante de son
âme, de sa chair [7] ».
Après « lesprit du 11 janvier
» nous avons maintenant « lâme et
la chair de de la France ».
De nombreux médias ont repris ce mythe
dune France qui a toujours été ouverte
aux opprimés du monde. Sil est indéniable
que des militants et/ou des citoyens ont été
accueillis en France dans le passé, il est en revanche
mensonger de présenter ce fait comme massif, constant
et intégré à « lâme
et la chair » du pays. Nous commençons à
avoir lhabitude de ces envolées lyriques visant
à écrire un roman national idéologique
masquant la réalité historique contradictoire.
En janvier 2015 la liberté dexpression
était présentée comme une constante française
occultant en passant les multiples interdictions des journaux,
revues et livres qui sexprimaient contre la guerre dAlgérie.
En 2004 lors du vote de la loi sur le foulard à lécole
cest légalité entre les sexes qui
est présentée comme une constante française
occultant en même temps les inégalités
présentes et les combats que les militantes féministes
ont dut mener pour diminuer les inégalités réelles.
Certains médias ont même osé
citer lexemple des républicains espagnols fuyant
le fascisme de Franco (lire dans RM larticle de Jean
Ortiz). Il nest pas inutile de rappeler les conditions
de cet accueil. Voici ce quen dit lhistorien Marc
Ferro :
Dès 1937, des réfugiés basques affluent,
des instructions sont là, qui très vite, oublient
les soucis humanitaires des premières semaines. On
les fait retourner en Espagne par les Pyrénées
orientales. (
). Dès lautomne 1937, Marx
Dormoy, ministre de lintérieur dun gouvernement
Front populaire, demande à la police détablir
un « barrage infranchissable »
Surtout,
on montre le peu dempressement des populations daccueil
à aider les réfugiés, souvent choquées
par la passion politique de leurs hôtes [8]."
Plusieurs centaines de milliers de républicains furent
« accueillis » dans des camps quils durent
eux-même construire. Les familles étaient séparées
et les camps étaient entourés de barbelés
et surveillés par des gardes mobiles. Les français
qui voulaient les aider étaient contraints de jeter
nourritures et habits au-dessus des barbelés.
Il ny a aucune « âme et chair
» française qui comporterait comme caractéristique
essentielle lhumanisme et laccueil des persécutés.
Il ny a également aucune reconversion à
propos des réfugiés mais simplement des «
reconversions hypocrites » mises en scènes médiatiquement
à des fins dinstrumentalisation de lémotion
de lopinion publique.
Le discours sur le tri
A part le Front National qui propose de «
ne plus accueillir personne [9] », le consensus sur
« lâme et la chair » de la France
réunit désormais la droite et une partie importante
de la « gauche ». Le second trait du consensus
porte sur la nécessité du « tri »
entre « réfugiés légitimes »
et « réfugiés illégitimes »,
entre « vrais réfugiés » et «
faux réfugiés ». Les propositions fusent
et constituent un excellent analyseur de notre société,
de sa classe politique et de ses médias lourds.
Le maire de Roanne, Yves Nicolin propose que
le tri se fasse sur une base religieuse :
« Si la France décide daccueillir sur son
sol un certain nombre de familles, et quelle décide
de les intégrer, cest-à-dire de leur donner
des papiers, et bien la ville de Roanne, je pense, pourra
jouer ce rôle-là, accueillir peut-être
une dizaine de familles mais à la condition quil
soit bien question de réfugiés Chrétiens
qui sont persécutés parce que Chrétien
en Syrie par Daesh (
) Ce que je souhaite cest
quon puisse avoir labsolue certitude que ce ne
sont pas des terroristes déguisés. Cest
la raison pour laquelle je pense que demander à ce
que ce soit des Chrétiens peur représenter une
garantie suffisante [10] «
Il est suivi dans cette proposition par Gérard
Dézempte maire Charvieu-Chavagneux et par Damien Meslot
maire de Belfort. Après létoile jaune
permettant de distinguer les juifs dans le passé, il
faudrait donc faire porter à lavenir un croissant
vert pour éviter les fraudes à lasile
politique. Ces positions sont certes marginales mais suffisent
à souligner la banalisation de lislamophobie
en France. Elles indiquent quun verrou a sauté
en matière dislamophobie et que celle-ci fait
désormais partie de la sphère du « légitime
» dans le débat politique.
Mais le critère de « tri »
le plus largement partagé et mentionné est celui
de la différence entre « migrants » et
« réfugiés ». De nombreux journalistes
prennent un ton docte pour nous expliquer cette différence
entre les uns qui seraient « économiques »
et les autres qui seraient « politiques ». Laccueil
des uns serait impossible et exigerait de la fermeté
alors que laccueil des autres serait nécessaire
et exigerait de la solidarité.
La distinction entre « réfugiés
» et « migrants » est même présentée
par un journaliste de Libération de la manière
suivante :
« La crise humanitaire actuelle est traitée comme
une aggravation, certes spectaculaire, mais une simple aggravation
dune « vague migratoire » qui, depuis des
années, vient séchouer sur les côtes
européennes, aujourdhui italiennes et grecques,
hier espagnoles. Ce nest pas un hasard si on parle de
« migrants » ou de « clandestins »
et non de « réfugiés ».
Au fond, pour les Français, Aylan nest
quune victime de plus de cette « misère
du monde » attirée par leldorado européen.
Ces masses indifférenciées qui forcent nos frontières
au péril de leur vie, et cest le discours du
Front national, ne sont que des « migrants-immigrés
» venant au mieux voler le pain des Français,
au pire importer le jihad. Le mot « migrant »
est un cache-sexe sémantique qui permet de nier la
spécificité du drame humain qui se joue à
nos frontières, un mot connoté négativement
: après tout, dans « immigrant », ny
a-t-il pas « migrant » ? Or, limmense majorité
de ceux qui cherchent à se rendre en Europe nauraient
jamais songé, il y a quelques années, à
quitter leur pays : ils ne « migrent » que parce
quils fuient la guerre, les massacres, les persécutions,
les viols, les tortures, la mort [11] »
Nous partageons le souci de ce journaliste dune
prise de mesure de lurgence de la situation et de lampleur
du drame. Cependant cette urgence ne doit pas nous faire oublier
la communauté des causes et des responsabilités
conduisant à lémigration dite «
économique » et à lexil politique.
Les mêmes puissances de lOTAN imposent des règles
économiques mondiales qui appauvrissent les plus pauvres
les contraignant ainsi à lémigration et
interviennent militairement pour le contrôle des matières
premières produisant systématiquement des drames
humanitaires contraignant à la fuite des millions de
personnes : Irak, Afghanistan, Libye, etc.
Comme pour les réfugiés, les émigrés
dits « économiques » nauraient jamais
songé, il y a quelques années, à quitter
leur pays. Linsistance du gouvernement comme de lopposition
sur la distinction entre ces deux catégories de victimes
na quun objectif : justifier le refus de séjour
pour les émigrés économiques et même
pour les réfugiés ne relevant pas des zones
arbitrairement choisies par les pays riches comme étant
dangereuses.
Il est vrai quune nouvelle fois les reportages
et discours médiatiques ont été centrés
sur les conséquences de la situation et non sur les
causes. Tout se passe comme si brusquement nous étions
en présence dune tornade imprévisible
et non face aux résultats prévisibles des déstabilisations
stratégiques dans lesquelles nos gouvernants ont une
responsabilité majeure. Le même silence sur les
causes aboutit consciemment ou non à masquer la responsabilité
des pétromonarchies dans loffensive de Daesh.
Il est vrai que celles-ci sont des amis de lEurope
et des États-Unis. Il conduit consciemment ou non à
masquer la responsabilité de la Turquie dans loffensive
de Daesh par la guerre quelle mène contre les
résistants kurdes. Il est vrai que la Turquie est membre
de lOTAN. Mais le discours médiatique se caractérise
également par un autre silence assourdissant : celui
concernant le massacre que larmée Saoudienne
et les armées des émirats commettent chaque
jour au Yemen contre une révolte populaire. Il est
vrai que ce sont « nos » alliés.
Si les propositions de tri entre réfugiés
chrétiens et réfugiés musulmans révèlent
lenracinement de lislamophobie, celle entre émigrés
économiques et réfugiés politiques révèlent
la campagne consensuelle (consciente ou non, le résultat
est le même) visant à masquer les causes des
crises qui secouent notre monde.
Une logique coloniale
Le discours sur le tri conduit inévitablement
à des propositions de dispositifs. Il est donc proposé
à droite comme à gauche de multiplier les centre
de tri ou « hotspot ». En bonne logique coloniale,
il est proposé dinstaller ces nouveaux centres
dans les pays méditerranéens et en Afrique même.
Il sagit ni plus ni moins que dexternaliser le
« sale boulot » pour quil demeure invisible.
Le fait que des pays membres de lUnion européenne
soient concernés souligne simplement que la logique
coloniale sétend au sein même de lEurope.
La dernière « crise grecque »
et son dénouement illustre que ce pays est traité
comme le sont les anciennes colonies cest-à-dire
avec la même logique de mise en dépendance et
de pillage.
Ces centres de tri existent déjà
comme par exemple à Pozzallo en Italie. Il est géré
par Frontex (lagence européenne en charge des
frontières [12]. Le centre de Pozzalo comme les autres
sont régulièrement dénoncés par
des militants des droits de lhomme comme attentatoires
à la dignité des personnes :
« Lobjectif ? Enfermer puis renvoyer les «
mauvais » réfugiés chez eux, quitte à
les maltraiter au passage et parfois les envoyer à
la mort dans leurs pays dorigine. Ces prisons qui ne
disent pas leur nom voient les policiers y utiliser la force
pour obliger les réfugiés à donner leurs
empreintes digitales qui sont ensuite enregistrées
dans le fichier Eurodac. A Pozzallo, en octobre 2014, des
récits, témoignages et enregistrements attestent
des violences subies par les réfugiés dans ces
centres. Plusieurs centaines de réfugiés avaient
entamé une grève de la faim contre les prises
dempreintes forcées. A Pozzallo toujours, en
mai 2015, des policiers utilisent des matraques électriques,
notamment contre des mineurs qui refusent de donner leurs
empreintes. Les policiers emploient également des techniques
dintimidation, les familles se voient menacées
dêtre séparées [13]
La proposition de multiplier les « Hotspot
» souligne labsence de volonté dagir
sur les causes et le choix de ne se centrer que sur la gestion
des conséquences en en externalisant les tâches
les plus répressives.
Mais alors que signifie cette « conversion
» massive de Merkel à Hollande, de Sarkozy à
Valls ? Comme pour le 11 janvier, la réponse est à
rechercher dans les décisions qui sont prises à
loccasion de cette mise en scène médiatique
et politique dun humanisme européen exemplaire.
Si le drame de janvier a débouché sur une décision
prise à la quasi-unanimité de lassemblée
nationale de poursuivre les frappes aériennes en Irak,
le drame de septembre se conclut par la décision de
Hollande dentamer des frappes aériennes en Syrie.
Il ny a même plus besoin de vote désormais
et le consensus dans les déclarations est frappant.
A lunanimité tous les ténors de droite
et du parti socialiste se sont déclarés favorables
à ces frappes.
SB transmis par la_peniche
Il sagit clairement de cantonner la misère
du monde produite par les politiques économiques des
grandes puissances impérialistes dune part et
par les guerres pour le contrôle des matières
premières dautre part, à la périphérie
des pays riches. Nous sommes en présence dune
des multiples déclinaisons de lultralibéralisme
: privatiser les gains et socialiser les pertes et/ou les
coûts.
20
septembre 2015 / SB transmis par la_peniche
[1] http://www.unhcr.fr/559e2ca6c.html
[2] Ibid
[3] http://data.unhcr.org/syrianrefugees/regional.php#_ga=1.59556077.1786272980.1441787559
[4] Jean-Claude Chasteland , La population mondiale
à lorée du XXIe siècle, in Jean-Claude
Chasteland et Jean-Claude Chesnais (coord.) , La population
du monde, Les Cahiers de lINED, n° 149, Paris, 2002,
p. 57.
[5] http://www.unhcr.fr/53edc9a39.html
[6]
http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/09/03/refugies-l-hypocrisie-d-eric-ciotti_4744749_4355770.html?xtor=SEC-33280887
[7] http://www.lepoint.fr/societe/hollande-la-france-prete-a-accueillir-24-000-refugies-07-09-2015-1962619_23.php
[8] Marc Ferro, Histoire de France, Odile Jacob,
Paris, 2003
[9] Déclaration à luniversité
dété du Front National, le 5 septembre
2015.
[10] http://www.ouest-france.fr/roanne-le-maire-pret-accueillir-les-refugies-sils-sont-chretiens-3669778
[11]
http://www.liberation.fr/monde/2015/09/04/ne-dites-plus-migrant_1375999.
[12] Voir notre article de mars 2015 : https://bouamamas.wordpress.com/2015/03/22/le-mur-meurtrier-de-la-mediterranee-lassassinat-institutionnel-de-masse-de-lunion-europeenne/
[13]
http://www.huffingtonpost.fr/alexis-kraland/pozzallo-centre-tri-refugies_b_8089980.html.
HCR :
le nombre des réfugiés syriens dépasse
quatre millions pour la première fois
Le nombre total de réfugiés ayant
fui le conflit en Syrie vers les pays voisins sélève
désormais à plus de quatre millions, confirmant
que cette crise de réfugiés est la plus importante
au monde depuis près dun quart de siècle
dans le cadre du mandat du HCR.
Après les toutes dernières arrivées
en Turquie et une récente mise à jour des statistiques
par les autorités turques concernant les réfugiés
déjà présents dans ce pays, le nombre
total de réfugiés syriens dans les pays voisins
atteint désormais plus de 4 013 000 personnes.
Par ailleurs, au moins 7,6 millions de personnes
sont déplacées à lintérieur
de la Syrie. Nombre dentre elles sont dans des situations
précaires et des lieux difficiles daccès.
« Cest la plus importante population
de réfugiés générée par
un seul conflit en une génération. Cette population
a besoin dun soutien de la part du reste du monde mais,
au lieu de cela, elle vit dans des conditions désastreuses
et senfonce dans la pauvreté », a déclaré
le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés
António Guterres.
Tragiquement, et sans aucune fin en vue à
la guerre de la Syrie qui est désormais dans sa cinquième
année, la crise sintensifie et le nombre de réfugiés
augmente. Le cap des quatre millions survient à peine
10 mois après que celui des trois millions ait été
atteint. Au rythme actuel, le HCR prévoit que le chiffre
denviron 4,27 millions pourrait être atteint dici
la fin 2015.
« La dégradation des conditions
mène un nombre croissant de réfugiés
à rejoindre lEurope et au-delà, mais lécrasante
majorité reste dans la région », a-t-il
ajouté. « Nous ne pouvons pas nous permettre
de les laisser tomber dans un profond désespoir, ainsi
que les communautés hôtes qui les accueillent.
»
Lors dun récent afflux de réfugiés
en juin 2015, plus de 24 000 personnes étaient arrivées
en Turquie depuis Tel Abyad et dautres régions
du nord de la Syrie. La Turquie accueille désormais
environ 45 pour cent de tous les réfugiés syriens
dans la région.
Le chiffre de quatre millions comprend 1 805
255 réfugiés syriens en Turquie, 249 726 en
Iraq, 629 128 en Jordanie, 132 375 en Egypte, 1 172 753 au
Liban et 24 055 en Afrique du Nord. Parallèlement,
plus de 270 000 demandes dasile déposées
par des Syriens en Europe ne sont pas inclues dans ces statistiques,
et des milliers dautres ont été réinstallés
ailleurs depuis la région.
Le financement de laide aux réfugiés
syriens est devenu un problème tout aussi pressant.
Pour 2015, le HCR a estimé que la somme de 5,5 milliards
de dollars est nécessaire pour laide internationale
dans les domaines de lassistance humanitaire et du développement.
Cependant, à la fin juin, seulement un quart environ
de cet appel de fonds humanitaire avait été
reçu. Cela signifie que des réfugiés
sont confrontés à de nouvelles coupes dans laide
alimentaire, et quils luttent pour pouvoir payer des
services de santé ou envoyer leurs enfants à
lécole.
La vie pour les Syriens en exil est de plus
en plus difficile. Quelque 86 pour cent des réfugiés
hors des camps en Jordanie vivent en dessous du seuil de pauvreté
de 3,2 dollars par jour. Au Liban, 55 pour cent des réfugiés
vivent dans des logements insalubres.
Depuis toute la région, lespoir
de retour en Syrie décroit avec la poursuite de la
crise. Les réfugiés deviennent de plus en plus
démunis. Les pratiques négatives dadaptation
sont à la hausse, comme par exemple le travail des
enfants, la mendicité et les mariages denfants.
La concurrence pour lemploi, les terrains, leau,
les logements et lénergie dans des communautés
hôtes déjà vulnérables met à
rude épreuve leur capacité à faire face
à de nombreux arrivants et à maintenir leur
soutien envers eux.
Autres informations :
Des photos, des infographies et des liens vers
des vidéos sont disponibles ici : http://www.unhcr.org/4million/
Le site internet sur les données concernant
la situation des réfugiés syriens sera mis à
jour avec les toutes dernières statistiques à
05h00 GMT le 9 juillet 2015 : http://data.unhcr.org/syrianrefugees/regional.php
UNHCR
/ 9 juillet 2015
Ces
syriens miséreux qui défigurent nos villes
La Turquie a accueille les réfugiés
syriens depuis 4 ans et leur nombre a dépassé
les 1,8 millions. Les 75% des réfugiés sont
des femmes souvent veuves avec enfants, ainsi que des orphelins
dont la moitié a moins de 18 ans.
Le Haut Commissariat des Nations unies pour
les réfugiés déclare pour la Turquie,
24 milles arrivants, seulement pour juin 2015.
Lorganisation souligne quil sagit
de la plus importante crise migratoire des 25 dernières
années et estime que le nombre de syriens réfugiés
dans les différents pays dépassera les 4 millions
250 milles en fin 2015. Il y a aussi 7,6 millions de personnes
qui se sont déplacés en fuyant la guerre, sans
quitter la Syrie.
La Turquie qui accueille la plus grande partie
des réfugiés, ne reçoit aucune aide financière
et selon Economist, elle a déjà dépensé
près de 3 milliards de dollars pour accueillir les
réfugiés.
Carte-turquie-refugies-syriens
VERT : camps de réfugiés
BLEU : villes où les syriens survivent avec leur propres
moyens
ROUGE : villes où protestations, hostilités
ou violences envers les syriens ont été constatées
La Turquie ne donne pas le statut dimmigré
aux Syriens quelle accueille, mais le statut réfugié.
Les réfugiés syriens sont concernés
par une mesure de protection provisoire, qui comme
son nom indique, peut être levée à tout
moment par le gouvernement. Seul les syriens enregistrés
comme réfugiés, donc possédant la carte
spécifique au statut, peuvent circuler librement dans
le pays et bénéficier des dispositifs de santé,
de léducation et des services sociaux. Cette
carte ne donne pas droit à la résidence ni à
ouverture de démarche de demande de nationalité.
En ce qui concerne le travail et le logement
ce nest guère différent de la France,
ils sont logés dans des taudis par des marchands de
sommeil, et exploités pour le travail ingrat, souvent
au noir.
refugies-syriens-turquie-8
Dans certaines endroits (Kilis par exemple)
le nombre de Syriens a dépassé la population
locale, en transformant les villes. Ne trouvant pas de travail
et vivant dans des conditions difficiles, parfois à
la rue, les réfugiés essayent de sen sortir
en mendiant, récupérant des déchets,
cirant les chaussures
Seul un tiers des syriens sont logés
dans les 22 camps réservés aux réfugiés.
Des cas dabus et agressions sexuels sont également
présents dans les camps.
refugies-syriens-turquie-5
Lhebdomadaire Economist rapportait dans
un reportage du juin 2015, les propos dun responsable
administratif turc qui confirmait :
Les cas dagression sont tout de suite
pris en main, avec le principe tolérance zéro
mais la plupart des incidents arrivent à lextérieur
des camps et les victimes préfèrent se taire
de peur de provoquer des meurtres de vengeance.
Lenquête réalisée
par Mazlum-Der, une association [pro AKP] de soutien aux opprimés
[de préférence musulmans], auprès de
72 femmes, avait également révélé
que des filles mineures et en bas-âge étaient
négociées à des hommes âgés,
et que les intermédiaires touchaient jusquà
5000 livres turcs (1650€) pour ce travail.
Malgré toutes les difficultés,
les syriens expriment pourtant quils sont bien
accueillis par la Turquie et ils considèrent
Tayyip Erdogan, le Président de la République
comme un héros.
refugies-syriens-turquie-2
Le ICG (LInternational Crisis Group, une
ONG multinationale) attire lattention sur le fait que
suite à laugmentation de la délinquance,
les populations locales commencent à être hostile
envers les réfugiés syriens.
refugies-syriens-turquie-10
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refugies-syriens-turquie-9
Dans les grandes villes, les habitants de quartiers
résidentiels et chics, ne manquent pas de se plaindre
de ces syriens miséreux qui défigurent
leur quartier. Quant aux quartiers populaires, leurs
habitants sont mécontents : Parce quils
sont habillés, nourris, et soignés à
loeil, alors queux, ils galèrent
.
A Izmir, le nombre croissant de réfugiés
syriens dans les 10 derniers jours, pose également
problème. La Préfecture dIzmir a donc
déclaré le 5 août dernier que des démarches
administratives étaient entamées afin dexpulser
les syriens clandestins qui se trouvent dans la ville.
Le facteur le plus important qui oriente les
réfugiés vers Izmir et dautres villes
de bord de mer à lOuest du pays, nest pas
autre chose que lespoir de pouvoir atteindre lEurope
via les Cyclades grecques. Plusieurs réfugiés
ont péri en essayant de traverser la mer Egée
à la nage. Ne serait-ce que la première semaine
daoût, 3000 réfugiés syriens qui
essayaient daller en Grèce par voie maritime
ont été arrêtés par la police côtière
turque.
Pour celles et ceux qui ici considèrent
quon ne peut accueillir toute la misère
du monde, alors que la France na accordé
depuis 2012 que 3450 visas pour des Syriens dont près
de 500 en 2014, (selon des chiffres du ministère de
lintérieur), il serait peut être temps
douvrir les yeux sur ce qui, au delà des drames
humains et des parcours individuels, est une réalité
collatérale à toutes les guerres et interventions
militaires connues depuis vingt ans, et auxquelles nos gouvernements
ont apportés soutiens, logistique et armement, quand
ce nest pas une participation directe.
Quelles
que soient les nationalités, un total de 45 454 dossiers
de première demande dasile ont été
enregistrés en 2014 par les services de lÉtat,
2,2 % de moins quen 2013. « Le nombre de premières
demandes est à un niveau constaté au début
des années 2000 (47 291 en 2001), loin des records
de certaines années (61 422 en 1989 ; 52 204 en 2003
», relève Forum-Réfugiés dans son
rapport. Voilà, comparé aux chiffres glacés
de bien dautres pays, une réalité qui
dénote un refus daccueil de la France qui va
grandissant, sur fonds dentretien de la xénophobie
et des peurs, et dun éloignement constant des
réalités humaines au profit de la défense
de nos intérêts et de la sécurité.
Les
discours de faux culs sur laction nécessaire
dans les pays dorigine, la coopération, ne tiennent
pas davantage face aux conflits meurtriers, et provoquent
des dizaines de milliers de noyades en Méditerranée,
en plus des exactions, atrocités et abus répertoriés
plus haut.
Cette
humanité ne peut être refoulée avec force
barbelés et policiers, car elle souffre des conséquences
de la soit disant défense de nos intérêts
dans le monde. Derrière chaque vente darmement
tant vantée par le Président, quitte à
aller lui même faire le VRP sur place, il y a des centaines
de nouveaux réfugiés en puissance, des milliers
de vies détruites et déracinées.
A
qui profite ces crimes commis en notre nom ?
A
quoi servent les millions deuros régulièrement
dépensés en protections, murs invisibles mais
bien réels, mobilisations policières, refoulements
.
alors quon évalue laccueil à des
sommes moindres ?
La
soit disant politique extérieure de la
France se résumera-t-elle à celle des marchands
de canons, doublée dun repli digne du Front National
à lintérieur ?
Naz
Oke / Journaliste
La
jungle de Calais : quarante religieux s'engagent pour les
enfants
https://journalchretien.net/2016/03/05/societe/migrants/jungle-de-calais-40-leaders-religieux-sengagent-pour-les-enfants-26770.html
Une planète de réfugiés et de déplacés
internes
Si
ces 50 millions d'errants constituaient une nation, celle-ci
atteindrait le 26ème rang mondial.
Photo : Francisco Leong/AFP
Pour la première fois depuis la Seconde
Guerre mondiale, le nombre de personnes ayant fui leur foyer
dépasse la barre symbolique des 50?millions. Une hausse
liée principalement au conflit en Syrie, mais aussi
à plusieurs crises en Afrique.
Cest un record dont le Haut-Commissariat
des Nations unies pour les réfugiés (HCR) se
serait bien passé. Pour la première fois depuis
la Seconde Guerre mondiale, le nombre de personnes déracinées
sur la planète avait dépassé la barre
des 50?millions, à la fin de lannée 2013.
Dans son rapport «?Tendances mondiales 2013?»,
basé sur des données compilées par des
gouvernements et des ONG et sur ses propres sources, le HCR
a recensé 51,2?millions de personnes ayant fui leur
foyer. Cest 6?millions de plus quen 2012. Et cette
recension ne tient pas compte du récent exode des chrétiens
dIrak, du conflit en Ukraine ou des derniers bilans
sans cesse revus à la hausse sur le nombre de réfugiés
syriens. Si ces 50?millions derrants constituaient une
nation, celle-ci atteindrait le 26e rang mondial.
Dans le détail, cette population se compose
de 16,7?millions de réfugiés, dont 5?millions
relèvent de la compétence de loffice de
secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés
de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Selon larticle
1 de la convention de Genève adoptée
en 1951, année de création du HCR , relative
au statut des réfugiés, «?un réfugié
est une personne qui se trouve hors du pays dont elle a la
nationalité ou dans lequel elle avait sa résidence
habituelle, qui craint avec raison dêtre persécutée
du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité,
de son appartenance à un certain groupe social ou de
ses opinions politiques, et qui ne peut ou ne veut se réclamer
de la protection de ce pays ou y retourner en raison de ladite
crainte?».
Les déplacés internes, cest-à-dire
les personnes forcées de quitter leur domicile mais
qui restent dans leur propre pays, sont 33,3?millions. «?Venir
en aide à ces personnes constitue un défi particulier
pour le HCR et les autres acteurs humanitaires car nombre
dentre elles se trouvent dans des zones de conflit où
laide est difficile à acheminer et où
elles ne bénéficient pas des normes de protection
internationales accordées aux réfugiés?»,
explique le HCR. Un troisième groupe est constitué
de 1,1?million de personnes qui ont déposé une
demande dasile en 2013.
«?Nous constatons ici le coût énorme
qui découle de lincapacité à mettre
un terme aux guerres et de léchec à résoudre
ou à prévenir les conflits?», a déclaré
le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés,
Antonio Guterres, lors de la sortie du rapport du HCR, le
20?juin dernier, date de la Journée mondiale des réfugiés.
La hausse spectaculaire du nombre de déracinés
est essentiellement due à la poursuite du conflit syrien.
Sur 22?millions dhabitants, la Syrie compte désormais
3?millions de réfugiés et 6,5?millions de déplacés
internes. Dimportants mouvements de population ont également
eu lieu lannée dernière en Centrafrique
et au Soudan du Sud.
La moitié (53?%) des réfugiés
dans le monde sont des Afghans, des Syriens et des Somaliens.
«?Depuis le début de lexode massif des
Afghans, en 1979, le Pakistan et la République islamique
dIran ont représenté à tour de
rôle le principal pays daccueil de réfugiés
dans le monde pendant trente-trois ans sur trente-cinq?»,
indique le rapport du HCR. Contrairement à une idée
reçue, les réfugiés ne se trouvent pas
dans les pays développés. Dans leur immense
majorité (86?%), ils sinstallent dans des États
pauvres à proximité de leur pays dorigine.
Et une bonne moitié est logée dans le secteur
privé et ne vit donc pas dans des camps.
La moitié des personnes déplacées
sont des mineurs. «?Les enfants réfugiés,
dont beaucoup ne sont pas accompagnés dadultes,
sont souvent détenus dans des conditions inadéquates
et dangereuses. Ils sont également à la merci
de la maltraitance, de lexploitation et dautres
violations de leurs droits?», sinquiète
lUnicef, lagence des Nations unies pour lenfance.
Au vu des multiples conflits qui ont éclaté
ou se sont amplifiés en 2014, et sans même tenir
compte des réfugiés climatiques souvent présentés
comme les «?déracinés de demain?»,
lavenir sannonce sombre. Doù la mise
en garde dAntonio Guterres?: «?La paix est aujourdhui
en déficit grave. Les humanitaires peuvent servir de
palliatifs, mais des solutions politiques simposent
de façon cruciale. Sans cela, les niveaux alarmants
de conflit et les souffrances massives illustrés par
ces chiffres vont continuer.?»
Damien
Roustel / Vendredi, 19 Septembre, 2014 / L'Humanité
Les
réfugiés et la grande peur européenne
de la mort
La
crise des réfugiés nen est quà
ses débuts. Les dirigeants européens, qui sont
majoritairement hors sol, pensaient lavoir maîtrisée.
Mais, en appelant à linstallation de 800.000
réfugiés sur son sol, Angela Merkel a réveillé
la veille hydre du continent : la peur propre aux peuples
européens de disparaître sous des vagues migratoires.
Dans la pratique, lappel dair lancé
par Angela Merkel devrait susciter un mouvement de population
de plusieurs centaines de milliers de migrants en quelques
semaines. Savait-elle que ses imprudentes déclarations
se traduiraient aussi rapidement par des déplacements
de population aussi importants?
Un
phénomène auquel lEurope ne sattendait
pas
Beaucoup de commentateurs rappellent que lEurope
a connu au vingtième siècle des déplacements
de population plus importants que le spectacle de ces colonnes
de réfugiés remontant les routes des Balkans
vers lAllemagne (sous-entendu: ceux qui arrivent ne
devraient donc pas poser problème).
Lire aussi :
Rattrapées par lhistoire : quand la réalité
vient sèchement démentir le monde virtuel que
sétait construit les élites occidentales
En 1923, par exemple, 1,5 millions de chrétiens
grecs sont chassés de Turquie et se réfugient
majoritairement à Athènes, pendant que 500.000
musulmans sont chassés de Grèce. En 1945, lexpulsion
de 10 millions dAllemands dEurope de lEst
commence (les Sudètes, mais aussi les Poméraniens
ou les Prussiens). Elle va durer trois ans.
La particularité de ces mouvements (on
relira ici les Journaux de guerre dErnst Jünger
pour retrouver le spectacle des campagnes allemandes de 1945
hantées par des colonnes de réfugiés
sans destination) fut toutefois de sexpliquer par un
retour au pays: les Grecs ou les Allemands étaient
renvoyés « chez eux ». Certes, cette représentation
était largement fictive. Mais elle est dune nature
très différente du phénomène des
réfugiés actuels, qui « partent de chez
eux » pour aller vivre ailleurs.
La glose intellectuelle sur la permanence du
mouvement des réfugiés dans lhistoire
européenne est donc maladroite, dans la mesure où
larrivée brutale dun million de migrants
est interprétée par les peuples résidents
comme radicalement différente des mouvements migratoires
connus depuis cent ans. Prisonniers de cette glose, les dirigeants
européens nont pas perçu quil existe
dans la conscience de leurs peuples un vieux réflexe
enfoui sous quelques couches de narcissisme facile, et qui
ne demandait quà se réveiller.
Ainsi, une fois passés les premiers jours
deuphorie sous les caméras postées dans
les gares allemandes qui accueillaient les réfugiés,
les vieux réflexes ont vite repris le dessus. Si la
condition des femmes et des enfants arrivant dépenaillés
dans nos villes a ému, les questions sont revenues
à la charge: quel impact ces mouvements de population
auront-ils sur des pays déjà battus par le vent
frais de la coexistence culturelle? Alors que le débat
public en France est largement monopolisé par la question
du porc à la cantine, faut-il donner le spectacle supplémentaire
de ces routes de lexode, de ces autoroutes coupées
pour laisser passer le flot des réfugiés?
Manifestement, aucun dirigeant européen
navait mesuré limpact de ces images sur
la conscience européenne.
La
vieille peur européenne de la mort
Bien entendu, les intellectuels hors sol qui
nous dirigent sont coupés de ce vieux réflexe
qui hante les peuples européens. Nichés sur
une sorte de presquîle au bout du continent asiatique,
exposés à tous les vents, les Européens
savent leur fragilité géographique. Ils habitent
une terre bénie des dieux, au climat agréable,
au sol nourricier, mais sans défense géostratégique.
Attila lavait bien compris et tous les peuples européens
sen souviennent obscurément. Les Européens
ont une chose à craindre: larrivée des
peuples nomades qui veulent occuper leur terre.
Cette angoisse est ancienne et structure notre
culture populaire. Elle est au centre du mouvement impérial
romain: il faut sécuriser les frontières en
matant militairement les régions où des mouvements
de population peuvent se produire. La guerre des Gaules en
est lun des témoins: pour éviter le chahut
des tribus gauloises qui sétait terminé
en 390 par le sac de Rome, la conquête militaire reste
le meilleur des moyens.
A son apogée, lempire construit
un immense mur denceinte pour se protéger de
nouvelles invasions. Loin de moi lidée de comparer
larrivée des réfugiés aux invasions
barbares. Il nen demeure pas moins que, dans lesprit
européen, lhistoire est dabord une longue
lutte pour sécuriser ses frontières extérieures.
On pourrait dire la même chose des Croisades,
qui agitèrent pendant deux siècles les consciences
populaires. Larrivée de peuplement arabe à
Jérusalem inquiète les Français du Nord,
qui envoient leurs meilleures troupes pour sécuriser
le flanc est de la Méditerranée. Dans le cas
des Croisades, langoisse était nourrie par la
peur religieuse dune disparition de la civilisation
chrétienne au profit du monothéisme musulman.
Ce sont ces vieilles peurs-là qui se
réveillent aujourdhui: langoisse dêtre
submergé par des populations non européennes,
langoisse de voir notre univers chrétien disparaître
au profit de lIslam.
La
petit mort du rationalisme européen
Les élites européennes peuvent
stigmatiser autant quelles veulent ces vieilles peurs
millénaristes en les qualifiant de populistes ou de
tout un tas dautres noms doiseaux, il se trouve
que ces peurs existent et quelles constituent un puissant
moteur politique. Si lon reprend lhistoire du
débat public européen depuis trente ans, on
sapercevra quelles sont au coeur des évolutions
partisanes. Pas un pays européen néchappe
à leur expression électorale plus ou moins brutale
ou plus ou moins directe.
Ces peurs sont-elles fondées? La question
est complexe à traiter, parce quelle illustre
malgré elle une évolution en profondeur de nos
schémas socio-politiques.
Pour tous ceux qui considèrent que lhumanité
et la citoyenneté sont une affaire de volonté,
ces peurs sont absurdes. Autrement dit, dans un monde où
la citoyenneté est attribuée à tous les
humains qui vivent sur un territoire, indistinctement, le
fait que les uns soient nés en Europe et que les autres
soient nés ailleurs ne pose pas problème. Cest
la vision rousseauiste du corps social, produit de la volonté
générale. Au fond, ce qui fait une société,
cest la somme des raisons qui dominent chacun de ses
membres et les différences culturelles ou religieuses
ne pèsent pas.
Depuis plusieurs années, lEurope
fait lexpérience dun phénomène
nouveau: elle est appelée à accueillir parmi
ses membres des groupes humains potentiellement porteurs dun
autre projet politique, qui ne fait traditionnellement pas
reposer la citoyenneté sur lexpression de la
volonté, mais sur lappartenance à une
religion. Dans le monde musulman, en effet, lEtat nexiste
pas sans lIslam et la laïcité telle que
nous la concevons ne peut donc avoir sa place. Il est manifeste
que, depuis plusieurs années, les communautés
musulmanes dEurope sont traversées par cette
prise de conscience politique dont nous mesurons mal lampleur
et la résistance au temps.
Pour lEuropéen moyen qui se promène
dans les rues, cette prise de conscience politique en cours
dans les minorités musulmanes est visible: entre la
floraison de magasins hallal et lexpansion du voile,
nos sociétés donnent à lire lémergence
de cette conscience minoritaire. Si lon y ajoute les
soutiens occultes dont cette prise de conscience bénéficie
de la part des Etats du Golfe, notamment, si lon y ajoute
les catastrophes du terrorisme islamiste, on voit bien comment
la tradition rousseauiste est en mauvaise posture.
Et cest probablement cette tradition que
le flot des réfugiés est en train denterrer
pour plusieurs décennies. Les Européens touchent
désormais du doigt la limite philosophique dune
conception universaliste de la citoyenneté. Alors quil
y a cent ans cette conception justifiait que les Européens
se sentent partout chez eux et colonisent à tout va,
elle sert aujourdhui à démontrer que les
réfugiés sont partout chez eux en Europe et
peuvent y revendiquer des droits politiques, y compris, à
terme, des remises en cause du paradigme universaliste lui-même.
LOccident
disparaîtra-t-il un jour ?
Et nous voici, à des degrés divers
sans doute, mais personne ne peut vraiment y échapper,
les bras chargés de cette question qui nous hante:
lOccident peut-il un jour mourir? Se pourrait-il que
cette excroissance de lAsie que les indo-européens,
avec leur rationalisme et leur esprit conquérant, occupent
depuis des milliers dannées, devienne une terre
où ils seraient une minorité en voie de disparition?
Se pourrait-il que la grande invasion venue dOrient
que nous craignons depuis des siècles arrive enfin?
Même obscurément, même inconsciemment,
cette angoisse « populaire » rôde dans le
dossier des réfugiés comme le spectre dHamlet.
Elle est évidemment incompréhensible dans les
élites rationalistes, mais cest elle qui guide
les réactions populaires épidermiques au sujet
de lIslam. Elle nous revient aujourdhui, comme
elle nous vint il y a mille ans, comme elle vint au dix-neuvième
siècle, comme elle vient à chaque peur millénariste.
Le propre des grandes peurs est dêtre
incontrôlables. Il ne sert à rien de les nier
ou de les occulter: le remède serait pire que le mal.
Mieux vaut les exprimer et en débattre librement
mais si cette liberté-là heurte de front le
sur-moi bourgeois des élites occidentales qui sont
fidèles à leur dicton névrotique: toutes
les vérités ne sont pas bonnes à dire.
Et pourtant, si nos peurs pouvaient sexprimer, elles
seraient amoindries, canalisées, et ce moment salutaire
de catharsis éviterait le recours à des blindés
à la frontière hongroise pour empêcher
des réfugiés davancer.
La guerre comme façon névrotique
de vaincre ses peurs? Oui, bien sûr, cela existe.
Éric
Verhaeghe / Atlantico
Le «
Airbnb pour réfugiés » arrive au Québec
Après
avoir pris son envol en France, le projet Singa qui met en
relation familles hôtes et réfugiés arrive
au Québec.
Photo : Mauricio Alvarez/Singa Québec
Nombreux sont ceux qui se demandent comment
venir en aide aux réfugiés qui affluent vers
les pays développés. Singa, un mouvement citoyen
né en France, a créé la plateforme Comme
à la maison, qui permet à ces citoyens de bonne
volonté d'entrer en contact avec les familles qui arrivent
en leur nouvelle terre d'accueil. Une branche québécoise
de Singa sera lancée à Montréal le 18
septembre.
« Les réfugiés ce sont des entrepreneurs,
des talents, des créateurs de richesse intellectuelle
et économique. On ne peut pas accueillir ces personnes
de façon dégradante » rappelle Alice Barbe,
codirectrice de Singa, qui veut casser l'image négative
associée aux migrants.
Bâtir un lien de confiance
La plateforme de jumelage n'offre pas qu'un toit aux réfugiés,
mais un véritable foyer. Grâce à un algorithme,
les familles sont mises en relation en fonction de leurs intérêts
communs, allant de la cuisine à la musique en passant
par le sport.
Au-delà de la mise en relation, l'association offre
en arrière-plan un accompagnement aux réfugiés
dont la demande d'asile a été acceptée.
Elle organise par exemple des pique-niques, des cours de langue
ou des visites de quartier ayant pour but d'intégrer
les nouveaux arrivants dans le tissu social. « On n'est
pas dans une démarche d'assistance, on est dans une
démarche d'autonomisation », précise Alice
Barbe.
Si le nombre de demandes a explosé dans les derniers
temps, il en est de même du nombre d'offres d'hébergement.
Plus de 1 300 familles se sont inscrites comme hôtes
depuis que la planète a été branlée
par la diffusion des images d'un petit Syrien âgé
de 3 ans noyé sur une plage de la Turquie.
7 septembre 2015 / Site
du mouvement SINGA
«
La pire crise des réfugiés de notre histoire
»
Rapport
Dans un nouveau document, Amnesty International dénonce
lindifférence des États alors quil
ny a jamais eu autant de personnes déracinées
depuis la Seconde Guerre mondiale.
« Nous assistons à la pire crise
de réfugiés de notre histoire, des millions
dhommes, de femmes et denfants luttant pour survivre
face à des guerres terribles, des réseaux de
trafiquants dêtres humains et des gouvernements
qui privilégient leurs intérêts politiques
au détriment de la compassion humaine.?» Cest
un nouveau cri dalarme que lance Salil Shetty, secrétaire
général dAmnesty International, à
loccasion de la publication dun nouveau rapport
de lONG sur la question des réfugiés.
À lapproche de la Journée mondiale des
réfugiés le 20?juin, lorganisation de
défense des droits de lhomme fustige lindifférence
des dirigeants du monde qui «?condamnent des millions
de réfugiés à une existence insupportable
et des milliers dautres à la mort, en sabstenant
de leur fournir une protection humanitaire essentielle?».
Plus de 50 millions de personnes déracinées
Pour la première fois depuis la Seconde
Guerre mondiale, le nombre de personnes déracinées
sur la planète avait dépassé la barre
des 50?millions, à la fin de lannée 2013,
selon les chiffres du Haut-Commissariat des Nations unies
pour les réfugiés (HCR). Si ces 50?millions
derrants constituaient une nation, celle-ci atteindrait
le 26e?rang mondial. Sur les 51,2?millions de personnes ayant
fui leur foyer, 16,7?millions sont des réfugiés
et?33,3 des déplacés internes, cest-à-dire
des individus forcés de quitter leur domicile mais
qui restent dans leur propre pays. Un troisième groupe
est constitué de 1,1?million de personnes qui ont déposé
une demande dasile en 2013. La guerre en Syrie constitue
la plus importante crise des réfugiés dans le
monde. Plus de 4?millions de réfugiés ont fui
ce pays, et 95?% dentre eux vivent actuellement dans
cinq principaux pays daccueil?: la Turquie, le Liban,
la Jordanie, lIrak et lÉgypte. «?La
mer Méditerranée est litinéraire
maritime le plus dangereux pour les réfugiés
et les migrants?», affirme le rapport qui fait état
de 3?500 personnes mortes noyées en 2014.
«?La crise des réfugiés
est lun des défis majeurs du XXIe?siècle,
et la réponse de la communauté internationale
est une honte et un échec. Nous avons besoin dune
refonte radicale de la politique et des pratiques afin de
mettre sur pied une stratégie cohérente et globale
à léchelle mondiale?», sindigne
Amnesty International. LONG présente dans son
rapport plusieurs propositions. Elle demande notamment de
réinstaller collectivement sur les quatre prochaines
années 1?million dexilés qui en ont actuellement
besoin et de mettre en place un fonds mondial pour les réfugiés.
Damien
Roustel / Mardi, 16 Juin, 2015 /
L'Humanité
Votre
maire est-il prêt à accueillir des réfugiés
?
Nous sommes
allés poser la questions aux élus des plus importantes
communes de notre territoire.
« 24 000 réfugiés seront
accueillis en France » a annoncé lundi François
Hollande lors de sa conférence de presse semestrielle.
Le président de la République emboîtait
le pas à lUnion Européenne qui sest
engagée à en recevoir 120 000 au total. Reste
à trouver les hébergements nécessaires
et pour ce faire les villes et collectivités locales
sont appelées à faire preuve de solidarité.
Quen est-il sur notre zone de diffusion ? Votre maire
est-il prêt à mettre des logements à disposition
des migrants ?
Réponse
aux Français qui ne veulent pas des réfugiés
syriens
Pourquoi il ne faut pas avoir peur daccueillir les
réfugiés venus de Syrie et ce que leur accueil
suppose réellement.
© Sakis Mitrolidis, AFP
| Des migrants marchent près de la frontière
entre la Grèce et la Macédoine, le 7 septembre
2015.
Une majorité de Français se prononcent,
dans un récent sondage, contre un accueil massif de
réfugiés syriens dans leur pays. Une majorité
encore plus importante se dit profondément inquiète
du terrorisme et déclare approuver des frappes aériennes
de la France contre lorganisation de lÉtat
islamique (EI) en Syrie. Ce sont souvent les mêmes Français
qui craignent lafflux de réfugiés, parce
que :
Ceux-ci sont le plus souvent musulmans et donc
à leurs yeux représentent une menace terroriste
potentielle.
Eux mêmes souffrent directement ou indirectement du
chômage et interprètent larrivée
de ces personnes comme une concurrence potentielle sur le
marché du travail.
À ces Français, on peut objecter
deux choses :
On ne combattra pas le jihadisme seulement
avec des bombes. Les "boat people" syriens qui frappent
aux portes de lEurope commettent un acte politique.
Ils "votent avec leurs pieds" et ce vote est une
forme de cri despoir et dadhésion en faveur
du modèle de société occidental et quelques-uns
de ses piliers : la démocratie, la libre entreprise,
la liberté religieuse, lhumanisme social, sur
lesquels reposent notre prospérité. Ce message
nous est adressé mais il l'est aussi aux fanatiques
de Daech qui ramènent leur pays au Moyen-Âge
: ils nen veulent pas. Pas plus que de la dictature
sanguinaire dAssad dailleurs.
À défaut davoir pu et su
intervenir il y a quatre ans, si nous voulons rester cohérents
avec nous-mêmes, notre devoir est dorganiser dignement
laccueil de ces réfugiés dans chaque pays
selon les moyens de ceux-ci, bien sûr, ce qui nécessite
une coordination européenne. On enverra alors un message
aux futures recrues de lEI tentées de commettre
des attentats sur notre sol, et qui sont - rappelons-le -
souvent des Français : nous ne sommes pas contre les
musulmans. LEurope a su et saura se montrer accueillante
à condition quon ne vienne pas chez elle pour
combattre ses valeurs.
La deuxième objection sera plus difficile à
admettre, notamment par ceux (à droite) qui croient
encore au mythe de "lappel dair" ou
par ceux (à gauche) qui veulent ouvrir leur porte aux
réfugiés par pur angélisme et se désintéressent
de leur intégration. Aux premiers, il faut dire quaucun
dispositif sécuritaire ne dissuadera jamais ceux qui
veulent fuir la guerre pour donner un avenir à leurs
enfants de venir le chercher en Europe. La preuve est sous
nos yeux : ceux-là ont mis leur vie en jeu pour traverser
la Méditerranée et sont prêts, sil
le faut, à terminer leur périple à pied.
Ils continueront. Ils ne sont pas attirés, comme on
lentend souvent, par la générosité
de notre système daides sociales mais souhaitent
trouver ici des opportunités de gagner dignement leur
vie. Si ce nétait pas le cas, ils ne choisiraient
pas dabord lAllemagne ou le Royaume-Uni mais plutôt...
la France !
De cela découle ce quil faut dire
aux seconds : ouvrir les frontières aux réfugiés
sans assurer les conditions de leur intégration par
lécole, par le travail, par lenseignement
des valeurs républicaines, cest la garantie assurée
de léchec. Cest à coup sûr
renforcer encore les populismes et les extrêmes. Le
chômage recule partout en Europe, sauf en France. Ce
ne sont pas les derniers arrivés qui en sont responsables,
mais plutôt les barrières que nous mettons nous-mêmes
à de nouvelles entrées sur le marché
du travail pour préserver ceux qui en ont. En Allemagne,
Angela Merkel ne pense dailleurs pas que les réfugiés
vont voler le travail des Allemands mais au contraire quils
peuvent contribuer à changer le pays, pour le meilleur.
Elle pense quelle fait un investissement. Et en cela
elle donne une leçon au reste de lEurope qui
nest pas seulement morale, mais aussi économique
et pragmatique.
Première
publication : 07/09/2015