L’Aven aux merveilles



Alain Marc, L’Aven aux merveilles – Carnet d’exploration. Aven Noir, Grands Causses-Cévennes, Aveyron-Gard, Editions Carnets Choisis, n° 10, Lot. Roquebrune, 12630 GAGES

On connaissait d’Alain Marc, carnettiste-aquarelliste émérite, le bel ouvrage Aveyron, carnet de routes, paru aux Editions du Rouergue en 2004. Mais c’est à une véritable aventure qu’il nous convie aujourd’hui, avec son remarquable album, au format à l’italienne, publié à l’automne 2013 et consacré à l’exploration ainsi qu’à l’illustration des nouveaux réseaux de cette extraordinaire cavité souterraine, située dans la vallée du Trévezel, sur les flancs du Causse noir : L’Aven aux merveilles – Carnet d’exploration. Aven Noir, Grands Causses-Cévennes, Aveyron-Gard. Réseaux découverts et reconnus depuis 1999 par Roland Pélissier (rappelons-le, médaillé du Club Cévenol en 2006), sans doute la plus belle trouvaille karstique de ces dix dernières années en France, avec ses voûtes aux dimensions colossales, ornées de décors concrétionnés exceptionnels (calcite, aragonite, gypse…), souvent caractérisés par des colorations ocres, blanc crémeux… On peut rappeler que cette « sommité cristallographique française », selon les termes de Daniel André, est légalement protégée depuis un décret du 30 août 2012.

C’est Louis Balsan, ancien secrétaire général du Club cévenol, qui, en 1933, avait pénétré le premier dans le puits d’entrée cyclopéen de cet aven, qu’il baptisa « Fosse aux ours », et avait parcouru les salles adjacentes (dont une immense salle qui porte toujours son nom), découvrant au passage, au bas du grand puits de l’entrée, des constructions de pierre, anciens foyers qu’il pensait alors préhistoriques (il s’agit plutôt, selon Daniel André, de fours de salpétriers datant du XVIIe et XVIIIe siècle, utilisés peut-être par les fameux « Brigands du Bourg » qui écumaient la région à l’époque de la Révolution). Il y était revenu avec son équipe pendant plusieurs années, espérant accéder aux réseaux qu’il pressentait. Mais en vain, malgré les nombreuses désobstructions à l’explosif opérées… Balsan en conclut alors : « les dédales et éboulis, incomplètement explorés, de l’Aven Noir, révèleront sûrement un jour de nouveaux passages. Il n’en reste pas moins déjà, dans l’état présent des recherches, l’un des plus grandioses abîmes des Grands Causses » (Grottes et Abîmes des Grands Causses, Editions Maury, Millau, 1950). De nouvelles avancées furent menées par le Spéléo Club des Grands Causses en 1949, mais c’est un autre club, le GERSAM de Montpellier qui, en 1975, put pousser l’exploration jusqu’à une salle dans les hauteurs de laquelle une cheminée se terminait par une fissure infranchissable, mais au travers de laquelle se dégageait un puissant courant d’air... C’est à cet obstacle que s’est attaqué Roland Pélissier dix ans plus tard, avec l’aide du Nantais Jacques Macary, en partie propriétaire de l’entrée de l’aven. Pendant 14 ans, il a travaillé avec acharnement, coincé dans la fissure au dessus du vide, souvent seul, jusqu’à réussir à forcer le passage en avril 1999, permettant l’accès à ces nouveaux réseaux aujourd’hui connus sous le nom de « Pellissier-Macary », qui s’étendent sur des kilomètres de galeries concrétionnées. Galeries qui datent vraisemblablement de la fin du Tertiaire ou du début du Quaternaire, exceptionnelles du fait de leur largeur, de leur longueur et de leur positionnement sur plusieurs étages, ce qui correspond à différentes époques de creusement. Pendant des mois, des années même, jusqu’en juin 2003, Roland Pélissier a tout fait pour que ne s’ébruite pas son incroyable découverte, se donnant pour mission, selon ses propre paroles « de protéger ce joyau unique », s’engageant moralement « à le sauvegarder, à le sauver… ». Pour que le précieux trésor ne soit pas tristement pillé, un système de câbles et une trappe cadenassée ont depuis été installés (après une intrusion en 2005…) pour le protéger de tout risque de vandalisme.

Alain Marc nous emmène d’abord vers le petit pays où débouche l’Aven Noir, entre Causses et Cévennes, Aveyron et Gard, sur les communes de Nant, Revens, Lanuéjols et Trèves (sous lesquelles les réseaux se déploient, sans tenir compte bien entendu des limites administratives !). Cela nous vaut de très belles aquarelles ou dessins (notamment les couverts de Nant, le village de Cantobre, l’Eglise des Cuns, les étendues du Causse, le lit de la Dourbie, le hameau de Saint-Pierre de Revens au bord de la rivière - aujourd’hui merveilleusement restauré). Deux séquences particulières d’illustrations sont consacrées l’une au pastoralisme (à propos du dernier berger transhumant sur le Causse noir), l’autre au célèbre petassou de Trèves (en tant que symbolisation du souffle cosmique, Alain Marc le rapproche à juste titre de la tradition des buffetaires, citant Lunas, mais ne mentionnant pas toutefois le branle del buffet, de la localité larzacienne voisine de L’Hospitalet…).

Après nous avoir présenté le terroir et ses paysages, Alain Marc nous entraîne vers les profondeurs de la terre, nous livrant un récit minutieux de ses différentes descentes, en compagnie de son ami Roland Pélissier, le suivant sans trop de peine dans le dédale souterrain grâce à son expérience antérieure de spéléologue… Le 22 novembre 2006, il descend pour la première fois dans le faisceau de lumière qui se projette à partir de l’entrée sur le fond de la Fosse aux Ours et parcourt les galeries jusqu’à la « fissure de l’espoir », franchissant le barrage de trappes et câbles pour accéder aux nouveaux réseaux, au delà du « couloir de la déception passagère ». Plusieurs camps de base y sont déjà aménagés, permettant de rayonner dans la multiplicité des galeries aux noms évocateurs (ainsi a pu les dénommer Roland Pélissier…), comme, entre autres, le Tube du printemps, la Galerie de la Laponie, La Monte, en hommage à des équipiers millavois (appellation qui ne correspond pas vraiment, comme Alain Marc l’indique, au Boulevard du Crès à Millau, mais plutôt à l’avenue de la République où la jeunesse millavoise avait autrefois l’habitude de « faire la monte »), la Salle blanche, le Palais des Glaces… Nous le suivons dans ses différentes descentes durant l’année 2007, grâce à son récit et à ses aquarelles et dessins, parcourant les différents réseaux Macary-Pélissier (« Maud au pays des merveilles », « réseau des quatre Pierre », « réseau des Sans Patrick »…), jusqu’au « Complexe labyrinthique Jean-Sébastien Marc-Carrière » (ainsi nommé par Roland Pélissier en souvenir du fils disparu d’Alain Marc, auquel l’ouvrage est d’ailleurs dédié…). Le voici dormant dans les divers camps de base à l’intérieur de son duvet glacé, admirant et nous restituant la splendeur des concrétions (aragonites en buisson, en excentriques, en inflorescences de givre, en décor glacé sur les parois…), découvrant les écoulements et les vasques superposées, comme celles des « Lacounets », croquant des scènes insolites, comme celle de Roland Pélissier en train de nettoyer des salissures dans le « Palais des Glaces »… En décembre 2007 hélas, interruption de l’aventure, à cause d’une mauvaise chute, non pas sous terre, mais à l’extérieur, au cours d’une marche de reconnaissance dans les gorges du Trévezel… Ces mois vont toutefois lui permettre de profiter de la splendeur estivale du causse et d’un automne flamboyant, ce qui nous offre de remarquables croquis de paysages, de détails de végétation, d’oiseaux, d’insectes, observables dans ce recoin des Grands Causses au contact des Cévennes qui est l’habitat d’espèces endémiques… L’ensemble de ces reconnaissances s’appuie sur un imposant corpus de cartes tout aussi remarquables, dessinées à la main, tant des réseaux souterrains que des lieux alentours.

Mais l’âme même de l’ouvrage va bien au delà de ces descriptions. « Accomplissement carnettiste et reconnaissance d’une aventure de l’esprit », alliant perception symbolique et poétique, l’œuvre d’Alain Marc nous permet en effet de partager tout le ressenti subjectif d’une aventure, tout à la fois sportive et contemplative, mais aussi spirituelle… S’impose en effet le sentiment d’un rapport intime que la cavité entretient avec le monde extérieur, d’échanges entre la vie perceptible de surface et les ténèbres du karst (d’où l’intérêt de ces cartes météorologiques qui nous restituent les conditions du jour, à chaque descente…), d’une sorte de respiration entre deux univers, celui des phénomènes du grand jour et celui de la nuit éternelle. La profondeur et la richesse insoupçonnée de cette symbiose semblent mettre en présence d’une entité puissante et secrète, gardienne de la mémoire des millénaires qui ont façonné le paysage extérieur actuel : c’est en définitive à une rencontre avec la « terre mère » que nous sommes conviés, avec l’âme de cette divinité qui nourrit notre inconscient depuis l’aube de l’humanité. Cette rencontre intime avec un univers jusqu’ici vierge de tout regard humain, dont le récit et les images ne dépareraient pas dans le Voyage au centre de la terre de Jules Verne, nous invite, comme le dit l’auteur, à de nouvelles perspectives de beauté, tout en nous inspirant – sans jeu de mots – de profondes réflexions.

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L'art du carnet de voyage et de l'aquarelle au service du peintre voyageur : ce blog en explique les différentes facettes inspiratrices, techniques et créatives à travers une vie d'aquarelliste . Il vous convie à partir en voyage pictural . C'est donc le journal d'un peintre qui aime découvrir et partager, mais pas seulement , Alain MARC...


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