INTERVIEW (exclusive) de XX, ancien élève de l'ENITEF, enseignant en génétique de populations et travaillant (entre autres … ) sur la génétique des populations d'arbre. Septembre 2000.
Les forestiers et les généticiens qui cachent la forêt…..
MR
: "Monsieur Valdeyron se pose des
questions, sur l'utilité des programmes génétiques d'amélioration forestière
(par exemple commis par l'INRA). Qu'en penses-tu
?"
XX
: "Il est vrai que nombre de programmes pourraient être supprimés sans
grandes pertes. La plupart ont à peine dépassé les tests de provenances ....
Il faut toutefois noter que les dits tests peuvent
être assez utiles pour des études de genet des pop (matériel a portée
de la main) et sur l'adaptation. Un bon exemple de cette gabegie est la station
INRA d'Orléans. Celle de Bordeaux sous l'impulsion d'Antoine Kremer a su réorienter
sa recherche a temps et redéfinir les programmes existants. Même si je ne suis
pas d'accord sur tout ce qu'ils font c'est souvent intéressant."
MR
: "Connais-tu un programme d'amélioration
forestière qui soit basé sur des idées sérieuses
? Et qui ait abouti à quelque chose
de concret et d'intelligent
? "
XX
: "Certains programmes peuvent s'enorgueillir de quelques pour-cent de gain
génétique .... Ceci dit la plupart des programmes ont été surdimensionnés
et pensés comme si l'on faisait de l'amelio du cochon alors que bien évidemment
les contraintes sont différentes. Une bonne vieille sélection massale (inspirée
des Gardner grids) sur une population échantillonnée au hasard mais couvrant
bien l'aire aurait pu être un départ plus convaincant que les schémas extrêmement
lourds ou l'on a perdu beaucoup de temps avec de la sélection sur descendance,
après avoir perdu du temps à sélectionner des arbres + ..."
MR
: "Penses-tu
que le caractère qui est recherché par un programme de sélection
puisse se trouver dans les populations naturelles si la prospection est faite
?"
XX
: Oui
et non. Rien au bout du compte ne remplacera la sélection. Par contre il était
probablement erroné de sélectionner des arbres +. De manière générale, le sélectionneur
forestier, en France ou ailleurs, n'a brillé ni
par son imagination ni par son réalisme. Il y a toujours eu un complexe à l'égard
des schémas de sélection compliqués (et donc beaux) appliqués sur des
organismes à durée de vie beaucoup plus courte. Kang s'était insurgé contre
cela mais il était bien le seul et je ne crois pas que les gens, occupés à
triturer de matrices de var-cov, l'aient pris au sérieux avec ses considérations
de genet des pop ....
MR
: "Si tu avais tous les pouvoirs et
uniquement des considérations d'ordre scientifiques, et que tu avais en charge
tout le secteur forestier en France, que ferais-tu?"
XX : Pour ne parler que de la génétique des arbres forestiers, en gros ce que font les gens de l' INRA Bordeaux ou ce que fait Outi Savolainen à Oulu, c'est à dire un programme de recherche sur le long terme, en liaison avec des organismes comme l'ONF, portant sur l'adaptation. Pour financer ces programmes, qui sont scientifiquement très intéressants, il faut aujourd'hui souvent passer par la communauté européenne qui tend à ne financer que des projets à but "pratique". D'où le recours à une rhétorique souvent mensongère sur tout ce que la recherche va apporter. C'est malheureux, cela correspond à une énorme perte de temps pour les chercheurs mais je ne vois pas d'autres alternatives dans l'immédiat, surtout en France où les financements locaux sont modiques et demandent aussi beaucoup de travail.
MR
: "Que conseillerais-tu aux
forestiers qui se trouvent devant les résultats de la tempête de fin 1999?
Replanter quelles essences
?"
XX
: Je n'ai pas de suggestions particulière. Je crois qu'il faut surtout être
pragmatique. A priori je n'ai rien contre les "enrésinements" tant décriés.
Ceux-ci n'ont d'ailleurs pas changé la proportion feuillus-résineux car dans
le même temps les champs laissés en friches étaient envahis par des feuillus.
Je crois qu'il y a souvent eu malentendu entre les forestiers et les écolos,
les uns et les autres utilisant de mauvais arguments pour ou contre les résineux
et qu'une étude sérieuse de la question passe, entre autre, par une analyse
sociologique fine des motivations des communes ou des propriétaires qui ont
participé à ce mouvement.
MR
: "Que penses-tu de l'introduction de
nouvelles espèces d'arbres dans les forêts ou les exploitations françaises?
Ces nouvelles espèces abondent dans les arboretums et les jardins privés, mais
semblent boudées par les forestiers. Que penses-tu de cette situation
?"
XX
: Les forestiers ont peut-être manqué d'imagination, bien que certains,
surtout dans le privé, aient essayé localement toute une panoplie d'essences
et développé des techniques sylvicoles intéressantes. Je me souviens avoir vu
des choses de ce genre lorsque je travaillais au CRPF de Région Centre ou lors
de ma scolarité à l'ENITEF (certains membres du corps enseignant avaient
d'ailleurs en sylviculture des idées beaucoup plus intéressantes que les gens
de la recherche "officielle" (INRA, ENGREF, CEMAGREF) qui tendaient à
se cantonner à des "faux" problèmes qui pouvaient donner lieu à des
papiers "faciles").